La Banque du Canada met fin aux baisses et maintient ses taux d’intérêt vu l’incertitude commerciale

Jenny Wang

16 avril 2025


Points à retenir

  • La Banque du Canada met fin à la série de sept baisses de taux consécutives et maintient le taux directeur à 2,75 %.
  • L’imprévisibilité de la politique commerciale américaine a augmenté l’incertitude, diminué les perspectives de croissance économique et fait monter les attentes inflationnistes.
  • La répartition stratégique de l’actif à long terme de nos portefeuilles demeure saine et, dans nos portefeuilles qui intègrent la répartition tactique, nous avons abandonné la surpondération tactique des actions au profit d’un positionnement neutre.

Dans son annonce d’avril, la Banque du Canada a indiqué qu’elle laissait son taux d’intérêt directeur inchangé, à 2,75 %. Pour justifier sa décision de jouer de prudence, elle invoque l’incertitude engendrée par l’imprévisibilité de la politique commerciale américaine, qui vient brouiller les prévisions de croissance économique et d’inflation. Dans son Rapport sur la politique monétaire (RPM), la Banque expose donc deux scénarios d’évolution possible de la situation au Canada, basés sur le niveau de rigidité de la politique commerciale américaine.

Dans le premier scénario, la croissance s’affaiblit temporairement et l’inflation se maintient autour de la cible de 2 % de la Banque, car la portée des droits de douane diminue. Dans le deuxième scénario, une guerre commerciale prolongée fait tomber le Canada en récession et l’inflation grimpe à plus de 3 %. Pour bien illustrer l’incertitude entourant la situation, la Banque ajoute : « Beaucoup d’autres scénarios de l’évolution de la politique commerciale sont possibles. En outre, un degré d’incertitude inhabituel entoure les issues économiques de tout scénario envisageable, car l’ampleur et la rapidité des changements de cap de la politique commerciale américaine sont sans précédent. »

La Banque du Canada – et tout le monde – tente d’y voir clair

Dans le premier scénario de projection du RPM, le produit intérieur brut (PIB) du Canada stagne à 0 en 2025, puis s’établit autour de 1,6 % en moyenne jusqu’à la fin de 2027. L’inflation fléchit provisoirement (principalement en raison du retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs) avant de remonter autour de la cible de 2 % et de s’y maintenir à long terme.

Dans le deuxième scénario, le PIB du Canada plonge de 2 % en 2025 pour s’établir ensuite aux alentours de 1,8 % en moyenne jusqu’à la fin de 2027. L’inflation reste autour de la cible de 2 % avant de monter au-dessus de 3 % en 2026 (les perturbations des échanges commerciaux se faisant sentir) pour redescendre ensuite aux alentours de 2 % et s’y maintenir à long terme.

Fait à noter, l’inflation était de 2,3 % en mars, soit moins qu’en février (2,6 %), mais plus qu’en janvier (1,9 %), ce qui pourrait s’expliquer par la fin du congé de TPS/TVH.

Dans sa déclaration, la Banque du Canada affirme : « […] l’économie ralentit, les annonces de droits de douane et l’incertitude pesant sur la confiance des consommateurs et des entreprises. La consommation, l’investissement résidentiel et les dépenses des entreprises semblent tous avoir diminué au premier trimestre. Les tensions commerciales entravent aussi la reprise du marché du travail. Le niveau d’emploi a baissé en mars et les entreprises indiquent qu’elles prévoient embaucher moins. »

Elle ajoute : « Aux États-Unis, l’économie montre des signes de ralentissement dans un contexte où l’incertitude entourant les politiques s’accroît et la confiance baisse rapidement, alors que les attentes d’inflation ont augmenté. Dans la zone euro, la croissance a été modeste au début de 2025 à cause de la faiblesse persistante du secteur manufacturier. En Chine, l’économie était forte à la fin de 2024, mais des données plus récentes font état d’un léger ralentissement. »

Dans l’ensemble, nous nous attendons à ce que les mesures d’assouplissement des banques centrales soient plus généreuses (donc plus de baisses de taux) que ce que les marchés ont déjà pris en compte.

Retour à une position neutre des actions par rapport aux titres à revenu fixe et aux liquidités

Les marchés sont secoués par de fortes turbulences, les investisseurs essayant de composer avec les effets possibles des tarifs douaniers et d’une guerre commerciale prolongée sur les entreprises et la croissance économique en général.

En ce moment, nous continuons de privilégier les stratégies de portefeuille sous-jacentes donnant accès à des sociétés de grande qualité qui affichent un bilan solide, disposent d’avantages concurrentiels et savent préserver leurs marges bénéficiaires en périodes de tension économique.

La diversification demeure un outil puissant pour la construction de portefeuilles. Notre répartition stratégique entre catégories d’actifs, secteurs et régions du monde contribue à protéger les portefeuilles contre les replis dans un secteur donné tout en les positionnant pour profiter de la croissance dans différents segments de marché.

Il reste encore beaucoup d’inconnues, mais nous continuerons de surveiller l’évolution de la conjoncture économique et des marchés pour déterminer si des ajustements stratégiques et tactiques s’imposent afin de positionner votre portefeuille pour la croissance à long terme.

Cela dit, dans nos portefeuilles qui intègrent une répartition tactique de l’actif, nous avons récemment abandonné la surpondération tactique des actions en général au profit d’un positionnement neutre par rapport aux titres à revenu fixe et aux liquidités. Comme en témoignent les commentaires de la Banque du Canada, les tensions commerciales ont créé beaucoup d’incertitude quant à l’évolution de l’économie et des marchés financiers dans le monde. Les événements récents et l’imprévisibilité de la suite justifient de ramener les portefeuilles au niveau de la répartition stratégique à long terme.

La prochaine annonce de la Banque du Canada sur les taux d’intérêt est prévue le 4 juin 2025.


Jenny Wang

Jenny Wang, CFA et M.A. en sciences économiques, est gestionnaire de portefeuille au sein de l’équipe Gestion multi-actifs. Elle est membre de la sous-équipe de gestion totale du portefeuille et se consacre surtout aux titres à revenu fixe.